mercredi 22 août 2007

BOUCHTA EL HAYANI ou la transfiguration du réel

Bouchta El hayani est un artiste qui possède une formation formelle et une éducation particulière sur le plan artistique. Ses peintures originales et expressives nous permettent avec force, de les qualifier d’art original, ou d’art visionnaire. Son style et sa technique intuitifs et créatifs expriment une qualité qui nous fait voyager entre la gravité et une étincelante innocence.

Quand l’artiste nous révèle les secrets de sa création, son œuvre ressemble et poursuit le chaos de son époque. Et Cela fait partie de sa personnalité et reflète son tempérament. Celui d’un homme entièrement dédié à son travail, un homme qui a le souci de la netteté comme il a le souci de la sincérité et de la fidélité dans ses relations avec les personnes. Il est maître de son domaine, un domaine qu’il ne cesse d’explorer depuis les années 70. Que dire de lui encore, l’artiste de la transfiguration du réel par excellence.

L’espace de son imaginaire est vaste. Un espace, qu’il considère à présent comme, son lieu d’élection pour créer et poursuivre ses recherches d’artiste habité par la magie et le mystère d’un monde tumultueux et harmonieux à la fois. Tout est à sa place. Rien ne traîne. Pas de parasites, pas d’imprévu. L’esprit et l’âme de Bouchta El hayani ont besoin de cette rigueur, une façon d’apaiser quelque chose qui bouillonne en son intérieur. Il possède une discipline précise, féconde et admirable. Pas de faille, pas d’exception. C’est un artiste qui fait de son itinéraire une quête, et quand elle s’absente, il continue de revenir à sa démarche mystique pour qu’aucun détail ne soit négligé.




Il a toujours fait un lien évident et essentiel entre l’ordre organisé de son travail consistant à créer une nouvelle réalité à partir d’objets ou des personnages existants à la frontière de la vie et la mort. Deux espaces se regardant et se renvoyant des images quasi identiques. Une frontière , qui est pour nous ;le lieu par où passe l’exercice de cette création qui n’est pas faite pour nous rappeler le réel mais qui a été conçue pour nous donner une autre dimension, une autre vision de ce réel.

Le langage de Bouchta El hayani déroute la certitude de notre regard et notre esprit. Même s’il nous engouffre dans le doute, il maintient le lien entre le donné et l’inventé. Ainsi, quand il dessine un objet, ce que nous voyons sur sont tableau, n’est pas le même objet. Mais une image décalée par rapport au réel au point où la confusion devient un jeu de miroir. On perçoit quelque chose d’autre qu’une simple reconstitution physique d’un univers immatériel. Et nous avons l’impression que tout est mystérieux comme un rêve éternel.

Ces œuvres sont empreintes d’une mémoire tel un brouillard qui témoigne d’un temps en suspense. Cela se sent quand nous nous arrêtons devant ses personnages familiers afin d’accueillir quelques instants d’une présence qui habite notre regard sans jamais la contempler totalement.


Comme dans ses œuvres peintes, jamais Bouchta El hayani ne fait du réalisme, simplement parce que le réalisme n’existe pas, il est impossible. Car dans sa peinture, jamais le réel ne s’y retrouve dans sa crudité, ou dans sa brutalité .L’artiste nous propose des corps et des visages changeants qui nous viennent d’un autre monde pour nous dire qui nous sommes.

Toute résignation au réel est improbable. La vie est mouvement, incertitude, cruauté et duplicité. L’artiste est en charge de donner à voir ces aspects que nos regards, nonchalants ou non habitués, ne savent pas se retrouver dans leur complexité.

C’est pour cela que ces visages qui sont les nôtres sans doute, relèvent d’une vision au-delà du réel. On pourrait même dire qu’il s’agit là d’un regard intérieur que l’artiste n’a pas à justifier et encore moins à le rendre adéquat. Ce qui serait un non-sens.

Dans cette atmosphère qui bouscule la réalité, Bouchta El hayani nous présente sa vision telle qu’elle se présente à lui. C’est-à-dire forcément modifiée par sa sensibilité, retravaillée par son regard et revisitée par son imaginaire.


Mais il est étonnant et surprenant grâce à sa capacité de célébrer la beauté simple, l’esthétique sublime du naturel. Ce sont des personnages interrompus dans leur mouvement. Ils ne sont pas figés mais pris dans un instant qui ne leur appartient plus.



Par son œuvre immense et variée. Et qui est en même temps un langage dans sa pureté, dans son dépouillement, il poursuit le travail acharné qu’on connaît de lui. Il ne l’éloigne pas de sa préoccupation principale, qui est celle d’un artiste qui a dédié sa vie à peindre son pays dans sa beauté invisible et controversée, surprenante, car traversée et habitée par sa lumière.

Même quand il peint la terre de plusieurs couleurs nous sentons et même nous percevons cette relation forte et solide qu’il entretient avec le pays, avec ses paysages, avec ses gens et avec son ciel.

Bouchta El hayani, vit le pays, il se nourrit de ses beautés et de sa complexité. Toute son œuvre, s’inscrit dans l’art marocain avec son essence et sa spécificité. Qu’il construit avec passion et sa grande diversité.

Il métamorphose le réel, même si nous retrouvons parfois dans son oeuvre une certaine dualité. Il figure parmi la trempe de ces artistes qui nous aident à décrypter l’écho d’un nouveau monde où l’Art met en place des éléments hétérogènes, pour nous apprendre que nous vivons à l’aube d’un métissage culturel, qui respecte les identités.

Bouchta El hayany nous propose une œuvre d’art qui nous surprend autant qu’un poème avec ses mystères et ses secrets. Il n’y a point de doute, que cet artiste nous emmène vers ces instants qui habitent notre mémoire. Une mémoire qui interroge tout simplement notre histoire notre présent et notre futur.

©Mohamed El jerroudi

=Source :Exposition du 19 avril 2005. Galerie Bab Rouah-Rrabat.

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